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28 et demi (work in progress)
28 et demi (work in progress)
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4 novembre 2011

Mirage géohistorique (ou pas)

Le texte que vous allez lire est presque aussi long (ou court…) que l’explication de sa genèse. Ce soir, alors que je rentrais en train d’une journée de travail, le cœur à la fois léger et désœuvré, il me prit une envie soudaine d’écrire. Je ne manquais pas de feuilles dans mon sac, mais je jetais mon dévolu, presque sans réfléchir, sur un reçu de carte bancaire qui trainait au fond de ma poche depuis mon repas de midi. Vint instinctivement un défi : écrire une mini-histoire sur ce modeste bout de papier (10,2 cm x 7,8 cm, recto-verso) et utiliser les quelques mots qui y étaient inscrits (ou du moins de la même famille étymologique) ainsi que quelques-uns des nombreux chiffres. Je relevai ce défi en quelques dizaines de minutes. Avant de plonger dans cette courte histoire, voici d’abord la liste des mots du reçu en question : Carte, bancaire, Ed, Roussillon, ticket, client, conserver, 4.18 Euros. Dernier détail : à trois mots prêts, les deux paragraphes correspondent au recto et au verso du ticket (le recto comportant des inscriptions, il offrait moins de place...).


Ed observa la carte qu’il tenait entre les mains. Devant lui, planté (ancré) au sol, un panneau affirmait l’existence d’une ville nommée Roussillon. Le nom lui-même l’avait doublement étonné. D’abord parce qu’il était né dans une ville homonyme. Ensuite parce qu’un tel nom lui paraissait hautement improbable dans le pays qu’il visitait. Ce pays au désert omniprésent et aux toponymes aussi exotiques qu’imprononçables. Pire : sa carte lui confirmait qu’il était victime d’hallucinations : aucun nom ne correspondait aux points cardinaux qu’il était sensé occuper. Il avait même épluché toute la carte en cas d’erreur de géolocalisation… Mais rien. Que des noms exotiques. Il conservait toutefois le faible espoir de ne pas être devenu fou. Craintif et éberlué, il entra dans la cité, dont l’aspect extérieur n’était aucunement en contradiction avec le pays qu’il avait parcouru depuis quelques années.

Les premières rues étaient aussi désertes que l’étendue rocailleuse qu’il avait traversée pendant trois (longs) jours sous le soleil. Puis au détour d’une maison, Ed fut confronté au souffle inattendu d’une foule animée. Une rue commerçante traditionnelle. Le genre de lieu qui lui était désormais familier. Le vacarme multilingue fusait de toutes parts. Ed voulut alors entrer dans la première échoppe à sa portée. A l’intérieur (frais et plus calme), il tomba nez à nez avec un distributeur de tickets – du genre de ceux qu’on trouve dans les boucheries de supermarché. Ed prit un ticket, machinalement, puis en lut le numéro : 2611124. Ce n’est qu’à cet instant qu’Ed leva la tête et découvrit le brouhaha silencieux des clients en attente. Puis un panneau indiquant : 0421010. (Ed manque de peu la chute sous l’effet de la surprise). Le vertige du temps prenait forme sous ses yeux. Les femmes assises par terre, les files d’êtres hagards, des banquettes (rares) investies par quelques dormeurs bienheureux (dont on pouvait douter qu’ils étaient encore en vie). Et cette immense horloge affichant l’heure (12 :15 :15) et la date (04/11/11) en chiffres verts et luminescents. Le visage figé d’Ed pivotait lentement sur l’axe de son cou jusqu’à un autre affichage : la monnaie locale valait 4.18 Euros ce jour-là. Ed prit alors conscience du lieu dans lequel il se trouvait, mais aussi de l’histoire immédiate dont il ignorait tout depuis quelques années. Devant lui, au-dessus du comptoir, brillait l’inscription : Banque coloniale.

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